L'Égypte finira-t-elle par se retourner contre Israël? En Libye, Le Caire n'a guère apprécié les manœuvres israéliennes qui ont fini par permettre à l'OTAN de s'emparer de Tripoli et d'aller droit vers Syrte, et l'armée de l'air égyptienne en est désormais à s'activer pleinement contre l'OTAN. Mais c'était uniquement la Libye? Outre qu'Israël nourrit depuis des années les terroristes daechistes de Sinaï, il affûte une redoutable arme propre à disloquer la grande Égypte et ce, par Éthiopie interposée. Le Caire y restera-t-il indifférent?
Depuis que l’Éthiopie a démarré les travaux de construction d’un méga-barrage sur le Nil bleu, le plus grand fleuve d’Afrique en 2011, Addis-Abeba et Le Caire ont eu de multiples négociations sur le sujet contentieux, négociations qui ont capoté jusqu’à présent. Entre les deux pays de la Corne de l’Afrique, on dit qu'il y a une impasse sur le Nil et le différend pourrait même conduire à un conflit militaire. Et si cette impasse n'était une oeuvre israélienne? Après tout, le régime factice cherche à s’emparer des eaux du Nil pour satisfaire les besoins des futures colonies dans les territoires occupés.
La crise de l'eau Israël la connaît depuis des années. D'où ses efforts destinés à détourner par Éthiopie interposée les eaux du Nil, une obligation pour en alimenter les colonies de peuplement à venir. Les médias israéliens ont rapporté ces dernières années que bon nombre de lacs, de fleuves et de sources d’eau souterraines sur les territoires occupés ont atteint leur niveau le plus bas en 20 ans; le lac de Tibériade qui fournit une grande quantité de la consommation des colons a dangereusement atteint un niveau virant au rouge. Quelques 600 millions de mètres cubes d'eau par an sont nécessaires pour altérer les colonies actuelles et à venir sans quoi l'entité sioniste connaîtra une crise économique et sociale majeure à franchir.
Quoi de mieux donc que de créer un différend interafricain et d'en profiter pour atteindre son but : la divergence éclatée entre l’Égypte et l’Éthiopie sur le barrage de la Renaissance a été donc saisi comme du pain béni. En Éthiopie, Israël maintient une forte présence ce qui lui permet de revenir sur le projet du transfert des eaux du Nil vers les territoires occupés, sans susciter trop de susceptibilité.
Lire: Égypte, l’otage de l’Éthiopie dans l’affaire du barrage sur le Nil ?
Le deuxième avantage du rapprochement Israël-Éthiopie est que cela aidera les Israéliens à élargir les relations avec le trio Éthiopie/Érythrée/Djibouti dans le but d’exacerber les conflits régionaux en mer Rouge et au Yémen, et se donner du poids et de l'influence dans cette région stratégique.
En juillet 2016, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a allégué lors de sa visite à Addis-Abeba qu'Israël apportait son plein soutien à la construction du méga-barrage de la Renaissance pour utiliser en contrepartie ses ressources de l'eau. Les propos de Netanyahu à l’époque ont été interprétés comme un soutien flagrant de Tel-Aviv à Addis-Abeba face au Caire, surtout que le voyage du Premier ministre d’Israël a coïncidé avec l'inauguration de la première phase de construction du barrage de Renaissance. DEBKAfile a révélé dans la foulée le déploiement en 2019 du système de missiles israélien aux alentours du barrage de la Renaissance. Selon l’ancien ambassadeur d'Éthiopie en Israël Helawe Yosef, une société israélienne a signé des contrats avec Addis-Abeba se donnant le droit de gérer les centrales électriques d'Éthiopie, y compris celle du barrage sur le fleuve historique du Nil. La combine est bien claire : Si Tel-Aviv s'implante en Éthiopie, c’est qu’il veut avancer, le visage couvert.
On ne sait que le barrage éthiopien empêcherait les eaux du Nil d'abreuver l'Égypte et que cette contorsion israélienne vise surtout à priver Le Caire de tout moyen de riposte contre Israël avec qui il a signé un accord de paix. Plus prosaïquement, Israël veut que l'entrée de l'eau du Nil en Égypte soit conditionnée au transfert d'une partie de celle-ci vers les territoires occupés et ce sera l’Éthiopie qui sera à même concrétiser le désir d’Israël. Selon Middle East Eye, six grands tunnels auraient été construits à l’insu des pays de la région dont l'Égypte, et ce par le biais de Daech dans le désert du Sinaï, le but étant de transférer l'eau du Nil vers les territoires occupés. L'Égypte restera ad vitam eternum les bras croisés? Israël veut faire main basse sur le Nil d'une part et de l'autre s'implanter en Afrique. Le Caire n'aura aucune raison d'accepter cet état, surtout quand Israël est décidé à user d'une aussi redoutable arme qu'est l'eau contre lui.